« La communication est indispensable, jamais suffisante » (De Laure – Loft Story 2001)
Cet article est le premier d’une série d’articles consacrée aux mesures correctives à apporter aux projets informatiques (et IT au sens large) en difficulté. Il s’inscrit dans le prolongement de l’article « Comment recadrer un projet informatique en difficulté ? » dont vous pouvez prendre connaissance à l’adresse suivante https://www.linkedin.com/pulse/comment-recadrer-un-projet-informatique-en-difficulté-david-feldman?trk=prof-post .
Pour ce premier article, ce n’est pas tant de mesures correctives dont nous allons parler, mais des prérequis dont l’identification va permette d’évaluer si un projet peut être redressé ou non, alors même qu’aucun audit n’aura été réalisé.
La communication est indispensable…
La pratique qui consiste à redresser/recadrer un projet informatique est souvent considéré comme de la médiation. Je considère cependant que lorsque nous intervenons alors que le projet est certes enlisé mais encore en cours, il s’agit plus d’un rôle de facilitateur que de médiateur. A vrai dire, c’est un débat à part entière qui n’est pas le sujet du présent article, mais opposer ces notions permet de mettre en lumière ce qu’elles partagent.
En effet, le médiateur et le facilitateur présentent un point commun qui est que leur action n’est envisageable que si la communication entre les protagonistes subsiste. Cet état de fait rentre clairement en opposition avec le contentieux.
Si les protagonistes en viennent à demander à leurs avocats d’intervenir et d’assigner au tribunal, c’est précisément parce que la communication est devenue impossible et qu’ils considèrent que seul un juge est en mesure d’arbitrer leur différend. Cette situation est inéluctable lorsque l’on a laissé le projet s’enliser et qu’aucun protagoniste n’a souhaité prendre les mesures qui s’imposaient…à temps (Cela pourrait faire l’objet d’un autre article qui s’intitulerait : Y a-t-il un sponsor dans le projet ?).
Ne nous trompons pas, il s’agit ici d’un véritable échec car tout le monde sort perdant d’une situation dans laquelle : (i) le projet s’arrête et n’apportera donc pas à la société utilisatrice les bénéfices attendus, (ii) le contentieux nécessitera de mobiliser des ressources opérationnelles, commerciales et juridiques parfois en pure perte, (iii) le coût d’un contentieux long et hasardeux s’ajoutera aux sommes déjà dépensées et enfin, (iiii) le fournisseur devra mettre un terme à sa relation commerciale avec son client.
Eviter un contentieux relève par conséquent de l’évidence et pour ce faire, il faut tout entreprendre pour que la communication entre les parties prenantes au projet ne soit pas rompue.
Une gouvernance correctement établie et respectée est une condition au maintien de la communication même dans les moments compliqués d’un projet. En effet, la difficulté provient souvent du fait qu’on laisse aux opérationnels la responsabilité de tout gérer y compris la relation avec le fournisseur. C’est une erreur et cela indique que la gouvernance ne fonctionne pas. Les opérationnels travaillent quotidiennement avec les équipes du fournisseur et ils ne peuvent pas être mis en porte-à-faux avec d’autres sujets (les tensions, les sujets contractuels, le budget, etc.) car cela entache leur relation et entrave la bonne marche du projet.
Lorsqu’une difficulté survient qui va au-delà des aspects opérationnels et techniques du projet, le principe d’escalade doit s’appliquer et d’autres représentants de chacune des parties doivent traiter les sujets de manière à sauvegarder la relation entre les opérationnels.
Or, force est de constater que le mécanisme que nous venons de décrire et très souvent négligé voir inexistant, soit parce que le directeur de projet n’a pas l’expérience pour le mettre en œuvre, soit parce qu’il n’y a pas les bonnes personnes à la bonne place et qu’il est plus facile de cacher la poussière sous le tapis que de faire face aux difficultés qui découlent parfois de nos propres actions et décisions.
Ne pas mettre en place les moyens pour gérer les difficultés et une éventuelle crise, relève d’une certaine arrogance que nous constatons souvent a posteriori sur les projets et consiste à penser qu’une fois le contrat signé, le projet va se dérouler à merveille. A ce titre, je n’ai jamais compris pourquoi dans certaines sociétés on fêtait la signature des contrats, n’est-ce pas plutôt la réussite du projet qu’il importe de célébrer ?
… jamais suffisante !
La communication est donc le premier prérequis au redressement d’un projet informatique. Mais elle n’est pas suffisante. La situation de dérive ainsi que le caractère forfaitaire des contrats nécessitent souvent que le budget du projet soit revu à la hausse.
Nous l’avons écrit dans un précédent article, les contrats au forfait contiennent en leur sein les causes de la dérive. En effet, la photo budgétaire qui est prise à la signature des contrats n’est quasiment jamais le reflet de la réalité mais de ce que le client est prêt à entendre pour signer. Ainsi, la gestion du forfait entraîne souvent le fournisseur à ne pas forcément mettre tous les moyens nécessaires pour répondre à une situation. Lorsque la dérive se produit, elle entraîne une consommation financière qui n’était pas prévue dans le budget forfaitaire du fournisseur.
Tout cela conduit toujours à la même situation, une fois qu’est constatée la dérive et la nécessité de prendre des mesures correctives d’urgence… le fournisseur à « manger son pain blanc ».
Le fait de ne pas être réactif voir proactif face à certains signes avant-coureurs conduit à ces situations de blocage.
Lorsque nous intervenons et que nous réalisons un rapport d’étonnement, nous constatons toujours beaucoup d’objectivité de la part de chacun des protagonistes, aidés par une parole qui vient de l’extérieur et un principe de réalisme et de parler vrai auquel nous nous astreignons.
Les constats ne prêtant pas à commentaire, le plan d’actions relève ensuite d’une certaine évidence et le redressement débute par la détermination de chacun à engager ces actions.
Reste que le fournisseur, qui plus est lorsqu’il s’agit d’une grande ESN (ex. SSII) est contraint par son propre principe de réalité interne qui concerne essentiellement sa marge sur le projet.
Il est donc très rare d’arriver à redresser un projet sans revoir le budget de ce dernier à la hausse, en ce qui concerne en premier lieu les coûts externes mais également les coûts internes. Si la société utilisatrice se refuse ou n’a pas les moyens de « remettre au pot », il y a alors de grandes chances que le projet s’arrête.
Si c’est une question de choix, il ne faut jamais oublier qu’un échec du projet sera sur tous les plans beaucoup plus néfastes que ce qu’il importe de mettre en œuvre pour le faire aboutir, sauver les investissements associés et éviter un sentiment d’échec des équipes.
En conclusion, dans le cadre d’un redressement de projet posez-vous d’abord ces deux questions : sommes-nous encore capables de communiquer avec nos fournisseurs et sommes-nous prêts à augmenter notre contribution financière ?
L’article suivant traitera de la mesure corrective #2 à savoir, séparer l’opérationnel du contractuel.