Les technologies ont porté un préjudice certain à la communication au sein de l’entreprise. De nombreuses difficultés trouvent leur cause dans l’incapacité des équipes à se comprendre. Instaurer un médiateur dans l’entreprise permet de développer la compréhension entre les collaborateurs, de gagner du temps et de favoriser un climat apaisé dans l’entreprise.
Nous pouvons tous faire un constat indéniable pour lequel aucune réelle solution n’existe, la technologie porte un préjudice certain au développement de la compréhension dans l’entreprise.
L’ennemi public numéro 1 est tout désigné, c’est l’e-mail (également appelé de manière ridicule le mél ou courriel). L’e-mail est un outil d’une grande hypocrisie qui permet à tout à chacun de s’exprimer tant sur le fond que sur la forme très directement, avec une certaine indélicatesse voire agressivité, qui n’aurait pas forcément existé dans le cadre d’une traditionnelle mais bien réelle discussion de face-à-face.
Nous avons tous fait cette expérience d’un décalage apparent entre le message quelque peu virulent envoyé par e-mail par un interlocuteur qui, une fois face à nous, faisait magiquement état de plus de nuances…
La communication est un art difficile à maîtriser (Cf. notre précédent article http://www.lesechos.fr/ideesdebats/cercle/auteurs/index.php?id=70850 ) et l’e-mail et dans une moindre mesure la messagerie instantanée ne sont absolument pas des outils permettant de mieux nous comprendre.
Nous intervenons régulièrement sur des projets en difficulté et nous constatons que l’hémorragie d’e-mails est un des premiers symptômes du mal. L’avalanche d’e-mails ne fait qu’exacerber les incompréhensions qui peuvent exister entre les membres d’une même société et pire d’une même équipe.
Il ne faut pas négliger les conséquences néfastes et multiples de ces défauts de compréhensions entre collaborateurs, que ces derniers résultent d’un échange incessant d’e-mails ou de difficultés relationnelles.
Vous constaterez que nous faisons état d’un « défaut de compréhension » et non d’un « défaut de communication ». En effet, communiquer ne signifie pas se comprendre. A ce titre, vous noterez la différence qui existe entre l’expression « je vous entends » de l’expression « je vous comprends » !
Ainsi aux managers qui déclarent « vous avez un problème…parlez-vous ! » je me permets de leur dire qu’il font une erreur s’ils pensent proposer une solution. Il faudrait déclarer « Vous avez un problème…comprenez-vous ! ».
Reste que même deux personnes de bonnes volontés peuvent parfois rencontrer des difficultés pour se comprendre. C’est là qu’intervient le médiateur, dans l’acception que nous lui donnons ci-après.
Le médiateur dispose de deux « armes » (dans un conflit ça peut servir) : d’une par la reformulation et d’autre part, l’aparté.
La reformulation consiste à formuler des pensées de façon plus claire sans dénaturer les propos de l’émetteur du message.
Le médiateur, en étant extérieur au sujet qui oppose des interlocuteurs (soit parce qu’il ne participe pas directement au projet concerné, soit parce qu’il est externe à l’entreprise), dispose de la distance nécessaire pour comprendre les positions de chacun et surtout préciser les propos en reformulant ces derniers. Il doit avoir les dispositions nécessaires (pour ne pas dire la sensibilité) pour détecter le fait que les interlocuteurs se sont parlés… mais pas compris.
L’aparté (de l’italien aparte « à l’écart ») consiste quand à lui à tenir des propos sans qu’ils soient entendus par autrui.
L’aparté est l’antithèse de la réunion. Les réunions ont pour objectif de réunir des personnes et les informations qu’ils apportent afin d’échanger, de se coordonner et d’agir ensemble dans un même sens. Je vous vois déjà sourciller…
En effet, par manque de préparation, parce que vous croulez sous les différents sujets à traiter ou encore parce que tout le monde n’est pas égal devant sa conscience professionnelle (joliment dit hein…), la plupart des réunions aboutissent à tout le contraire de ce pourquoi elles sont organisées !
Un médiateur va agir un peu comme un attaché parlementaire, en ce sens qu’il va rencontrer chacun des interlocuteurs (l’aparté) afin de comprendre leur état de maturité sur la question qui fait l’objet de son intervention (un objectif à atteindre, un différend à désamorcer, etc.) et comprendre leurs attentes ou l’objet de leur(s) incompréhension(s). Le fait que ce soit lui qui soit le porteur et reformule les messages en amont d’une rencontre, désamorce toute appréhension qui pourrait être contre productive pour la compréhension entre les interlocuteurs.
Ainsi en préparant les échanges et en désamorçant ce qui pourrait venir « polluer » les débats, le médiateur favorise un climat apaisé entre les interlocuteurs -ce qui n’est jamais du luxe dans une entreprise- et offre un espace propice à la compréhension.
Le challenge pour le médiateur réside dans le fait de conserver son indépendance. Etant généralement médiateur externe à l’entreprise cette question se pose avec moins d’acuité, mais il est important de pouvoir compter sur le soutient indéfectible et l’autorité morale d’un décideur/dirigeant de l’entreprise. En effet, lorsque l’on tente sans limite de faire concilier les parties ou lorsque l’on intervient dans le cadre d’un conflit, il arrive toujours un moment où il importe de trancher. Ce moment est crucial d’où l’importance de pouvoir compter sur un décideur et encore mieux un leader.
Quid du médiateur salarié de l’entreprise ? Je pense que cela est tout à fait envisageable si le médiateur dispose des qualités humaines et relationnelles nécessaires pour ne pas tomber dans les pièges de l’entreprise. Il me semble également qu’il devrait être rattaché directement à la Direction générale pour éviter toute pression hiérarchique (si ce n’est celle de la DG elle-même).
Un ou plusieurs médiateurs dans les entreprises n’est pas une idée farfelue. En réalité des milliers de consultants externes sous couvert de leur mission de pilotage de projet, de transformation ou autres, jouent parfois ce rôle…certes plus ou moins bien.
Le monde de l’entreprise gagnerait énormément en temps et en qualité des relations en instituant des médiateurs.